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PROMO 62

Livre d'or
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section Laffont

Maurice Laffont

Iraki Railways (I.R.)

Dans l’Irak de Saddam Hussein, Jeumont Schneider avait vendu une trentaine de locomotives dont l’aspiration d’air des moteurs Diesel SEMT-PIELSTICK posait des problèmes de facilité de maintenance et de tenues de portes sur les circuits d’air aspiré par les dits moteurs.

Responsabilité partagée certes, mais à cette époque, les discussions avec le président des Chemins de fer étaient  âpres et difficiles : avec le personnel, seul à seul, on arrivait à bien s’entendre, pour un partage équitable des responsabilités, mais devant le président des I.R. on se retrouvait rapidement seul. De sévères sanctions tombaient sur qui  se rangeait de notre côté.

Pour toutes ces raisons, me voilà embarqué dans la superbe DS toute neuve de l’attaché commercial qui la conduisait, avec le président de Jeumont Schneider et son commercial, le président de SEMT pour rencontrer le président des I.R.

En plein centre de Bagdad, coupure franche du moteur de la DS.

Nous nous garons dans la lancée sur le côté de l’avenue (c’en était une à l’époque !)

Le président de SEMT annonce alors au président de Jeumont Schneider : « ne t’inquiète pas, tu vas voir, Laffont va nous réparer ça ». J’avoue que je n’en étais pas aussi sûr…

Tandis qu’ils bavardaient sur le siège arrière de la voiture, nous ouvrons le capot, bien entendu.

Je peux vous assurer que très vite, nous avons eu pléthore de spectateurs.

A cette époque, les moteurs de voiture n’étaient pas aussi sophistiqués qu’aujourd’hui. Assez vite, j’ai constaté que le doigt distributeur du delco ne tournait plus, excepté lorsque je le tournais à la main. C’est là que l’attaché commercial m’a appris que la voiture sortait de visite de la garantie !

Au bout de quelques investigations et remarques diverses, j’ai constaté que la goupille qui assure la liaison du croisillon et de l’axe du doigt de distribution était partie en usinant la colonne qui supporte le delco. Heureusement  les trois pattes de fonderie du bloc moteur soutenaient encore la dite colonne.

Pour autant, mon affaire n’était pas réglée.

Par quoi remplacer cette fichue goupille perdue dans une avenue en plein Bagdad ?

Dans le coffre de la voiture, je finis par tomber sur un fil (« béni ! ») de cuivre. Même s’il tenait, je savais qu’il me restait un « cap un peu délicat à doubler ». Après réflexion, je ne pouvais faire aucun contrôle de réglage sérieux.

J’ai donc opté sur la chance qui m’avait bien servi jusque-là, sachant très bien ce qu’il pouvait se passer.

Toujours en complet veston, le tout remonté, je répondis à un jeune homme prétendu mécanicien et qui me proposait de l’aide, en lui demandant surtout de dire à le foule (sans exagération !) de s’écarter un peu. Ils n’obéirent pas vraiment.

Au pied de mon carburateur, filtre à air enlevé, j’ai demandé à l’attaché commercial de faire un essai de démarrage. Ce qui devait arriver arriva : retour de flamme au carburateur, feu sur le moteur donc.

La bousculade qui s’en suivit a été extraordinaire ! Tête de l’attaché commercial tandis que je riais à belles dents. Je finis par trouver mon mouchoir, éteignis le feu, sur ce point, j’étais renseigné ! Si le fil de cuivre tenait, j’avais gagné.

Je fis donc faire un demi-tour à la tête de delco au niveau du croisillon et remontai le tout. Je demandai à tout le monde de remonter dans la voiture.

Sous l’œil goguenard des spectateurs (à bonne distance cette fois !) Nous sommes repartis à notre réunion sans le moindre toussotement de la voiture qui a eu la gentillesse de nous ramener à l’ambassade sans autre problème. Je n’oublierai jamais la tête des Irakiens lorsque nous sommes partis.

Dans la voiture aussi, c’était reparti : « tu vois, je te l’avais dit… »

Deux ans plus tard, en route pour Durban depuis Johannesburg, dans la voiture de mon ami Jonh Wright d’A.P.E. (Amalgamed  Powered Engineering), notre représentant à Johannesbourg. Il conduit et je raconte mon histoire (in English, of course !). A peu près à mi-distance…pof…stop moteur en pleine vitesse.

Ben voilà, me dit John, si tu nous tires de là, je te croirai.

Là, c’était plus agréable, depuis le départ, mais nous étions on ne peut plus seuls. Les plaisanteries ont fusé.

Capot en l’air, pas de problème côté delco. Deux petits tests électriques cette fois et nous découvrons, sous le capotage, que la cosse du primaire de la bobine avait lâché.

Au bout d’un quart d’heure, à peu près, nous repartons sur Durban, sans histoire.

Bien, là, je te crois ! me dit John.