Arino Henri
Une farce stupide de plongeur de bord
En mai/juin 1968 l'EE « La Bourdonnais », dont j'étais chargé du service Propulsion, après en avoir été le Chef durant son petit carénage étoffé de 1967 au sein de la force Alfa en Polynésie, se refaisait une santé à Papeete pendant un intermède de la campagne des tirs nucléaires. Privés de courrier régulier de nos familles, grèves et manifestations bloquant l'activité en Métropole, car seules les lettres déposées dans les arsenaux nous parvenaient par la poste navale, nous vivions malgré tout sereinement. Ainsi, l'après-midi du service tropical, nous alternions ski-nautique et entraînement à la plongée. A bord, les 4 adjoints Energ du Chef étaient plongeurs et ce dernier ne manquait pas de s'inquiéter de les voir s'adonner simultanément à cette activité à risque; même s'il s'agissait surtout d'intervenir sur la coque, les hélices et les circuits eau de mer.
Un après-midi nous l'invitons pour une baignade hors du lagon pendant notre entraînement à la plongée le long du récif à la sortie du port de Papeete. A l'issue d'une courte plongée à 30 m, j'invite mon chef à se baigner avec nous et, le laissant en surface, plonge en apnée rejoindre à 12 mètres durant quelques minutes un camarade équipé qui me fait partager régulièrement l'embout de sa bouteille. A la remontée de cette «apnée» prolongée, je trouve le chef, le plus gradé dans l'embarcation, tentant, malgré le conseil du patron d'embarcation, un habitué, d'alerter le bord et le port avec le TRPP 14 VHF : soulagé, il marqua sa joie de nous revoir; nous fûmes agréablement surpris, pensant qu'il était heureux de sa baignade d'autant que par nature il n'était guère expansif. Mais, il rentra aussitôt dans une rage folle reflétant l'inquiétude que nous lui avions provoquée! Inutile de préciser que durant le retour nous dûmes tempérer les choses; nous y arrivâmes avec une brassée d'excuses et un repas folklorique au Tahiti Hôtel! Plus tard il eut en cadeau une photo des quatre impétrants en plongée se tenant aux deux hélices du bateau…
J'avoue ne pas avoir été vraiment fier de cette plaisanterie stupide, de la part d'un jeune officier qui de plus allait être papa pour la deuxième fois le 24 juin 1968 sans être présent. Mais nous étions alors entreprenants et ceci étant le bateau marchait à merveille, durant cette mission de 9 mois avec un tour du monde sans une seule coupure d'eau, sur un escorteur d'Escadre!