Philippe Revest
Big Sky Country
Stage dans les Forces Spéciales de l’armée des Etats-Unis d’Amérique.
En juillet 1972 deux lieutenants de vaisseau fusiliers-marins des commandos de la Marine Française débarquaient d’un avion sur un des aéroports new-yorkais et en prenaient un autre pour Washington, puis Fort Bragg, Caroline du Nord.
Nous étions pour trois à quatre semaines en stage au sein d’un Groupe des Forces Spéciales commandé par un lieutenant-colonel.
Perception du paquetage, à dessein nous n’avions pas emporté avec nous un équipement français, voulant pratiquer une immersion complète dans cette unité, entraînement avant de partir pour un exercice d’une quinzaine de jours, avec quelques incidents folkloriques.
La séance d’entraînement physique matinale commençait par une course en rang dans les allées du camp, en cadence et en chantant (so US !), celle qu’on voit dans tous les films sur l’armée des EU. Ça, c’était rigolo ! Puis, après cet entraînement, toutes les colonnes convergeaient vers un grand plateau de manœuvre et se rassemblaient en un vaste rectangle devant lequel, monté sur un podium, se tenait le lieutenant-colonel chef du groupe, comme nous en tenue de sport, short et T-shirt.
Là les ennuis commençaient: nous ne connaissions pas le programme des exercices de gymnastique qui allaient être dirigés par le chef et notre connaissance de la langue des yankees ne nous permettait pas de suivre les ordres techniques qu’il donnait à voie haute. Nous étions les vilains petits canards qui ne comprenaient rien, qui étaient toujours en décalage, qui gênaient tous les voisins et qui se faisaient vertement engueuler par le chef.
Plus tard, un sympathique souper dans sa maison nous réconcilia avec lui.
L’entraînement terminé, les briefings faits, nous avons été affectés chacun dans un team commandé par un lieutenant et nous avons été parachutés d’un quadriréacteur en ordre de combat dans le Montana, the Big Sky Country, au pied des montagnes Rocheuses. Des camions, dans un interminable voyage nocturne nous transportèrent dans la montagne et nous laissèrent là, au petit matin.
Nous avons marché une semaine dans ce magnifique pays, le pays des cheyennes. Nous ne rencontrâmes qu’un cow-boy, à cheval, son matériel sur une mule derrière lui. Un jour un homme tua au fusil un lapin ; je ne suis pas sûr d’avoir accepté d’en manger ; je crois me rappeler qu’il fut préparé par des ignorants en dépit du bon sens et qu’il était proprement immangeable. Un autre jour, ayant surpris une poule faisane dans un bois, je lui fis un placage au sol et, séance tenante, lui tordis le cou. Rôtie sur un feu, elle fut excellente (je me rappelle toutefois qu’elle manquait de sel). Curieusement, la plupart de mes camarades américains ne voulurent pas en manger, je pense dégoûtés par la manière avec laquelle j’avais exécuté la pauvre bête.
Un jour alors que mon team marchait dans ce pays, un des gradés (dans les Forces Spéciales, tous les hommes étaient des gradés) qui fermaient la marche vint à l’avant prévenir son chef, tout effrayé : il était tombé nez à nez sur un ours qui, heureusement, ne s’était pas occupé de lui. C’était à cause de la possibilité de ce type de rencontre que l’un d’entre nous avait une arme approvisionnée.
La fin de l’exercice fut pour chaque team devant un restaurant, on a dans ce pays le sens de l’opportunité, où nous avons pu nous payer d’énormes côtes de bœuf pour nous venger des fatigues et privations.
Puis vint le retour à Fort Bragg, puis en France. Mais quel magnifique pays que le Big Sky Country!